Bonjour,
Voici le lien vers le site où vous pourrez télécharger le mémoire de DIET sur lequel nous faisons cours.
http://les.auger.free.fr/mem.html
En dehors du mémoire, on trouve certaines annexes, chez moi, le plan de la cuisine ne s'affiche pas, si vous trouvez moyen de le visualiser, dites moi comment vous faites.
Blog philosophique et éclectique. En grec "philo" veut dire: "j'aime". Aimer, caractère commun de la philosophie et de la religion. Quoi de plus humain en somme?
mercredi 11 novembre 2009
mardi 10 novembre 2009
Homère, Odyssée
Dans ce texte est présentée l'une des ruses les plus connues d'Ulysse. Elle donnera son nom à un film: "Mon nom est personne"...
Ulysse. — Cyclope, un coup de vin sur les viandes humaines que tu viens de manger : tu verras la boisson que nous avions à bord ! C'est la libation que je voulais t'offrir, pensant que ta pitié nous remettrait chez nous. Mais ta fureur n'a plus de bornes, malheureux ! Penses-tu que, chez toi, jamais homme revienne, lorsque l'on connaîtra cette étrange conduite ?
Je disais ; mais, prenant mon auge, il la vida : quelle joie formidable à boire ce doux vin !... Il en voulut avoir une seconde fois :
Polyphème. — Donne encore, sois gentil ! et dis-moi maintenant, tout de suite, ton nom ! car je voudrais t'offrir, ô mon hôte, un présent qui va te réjouir. Sur cette terre aux blés, les Cyclopes ont bien le vin des grosses grappes, que les ondées de Zeus viennent gonfler pour eux. Mais ça, c'est un extrait de nectar, d'ambroisie !
Il dit et, de nouveau, je lui remplis son auge de vin aux sombres feux ; trois fois, j'apporte l'outre, et trois fois, comme un fol, il avale d'un trait !... Je vois bientôt le vin l'envahir jusqu'au cœur. Alors, pour l'aborder, j'essaie des plus doux mots :
ulysse. — Tu veux savoir mon nom le plus connu, Cyclope ? je m'en vais te le dire ; mais tu me donneras le présent annoncé. C'est Personne, mon nom : oui ! mon père et ma mère et tous mes compagnons m'ont surnommé Personne.
Je disais ; mais ce cœur sans pitié me répond :
polyphème. — Eh bie n! je mangerai Personne le dernier, après tous ses amis ; le reste ira devant, et voilà le présent que je te fais, mon hôte !
Il se renverse alors et tombe sur le dos... Bientôt nous le voyons ployer son col énorme, et le sommeil le prend, invincible dompteur. Mais sa gorge rendait du vin, des chairs humaines, et il rotait, l'ivrogne !
J'avais saisi le pieu ; je l'avais mis chauffer sous le monceau des cendres ; je parlais à mes gens pour les encourager : si l'un d'eux, pris de peur, m'avait abandonné !...
Quand le pieu d'olivier est au point de flamber, — tout vert qu'il fût encore, on en voyait déjà la terrible lueur, — je le tire du feu ; je l'apporte en courant ; mes gens, debout, m'entourent : un dieu les animait d'une nouvelle audace. Ils sonlèvent le pieu : dans le coin de son œil, ils en fichent la pointe. Moi, je pèse d'en haut et fais tourner le pieu... Vous avez déjà vu percer à la tarière des poutres de navire, et les hommes tirer et rendre la courroie, et l'un peser d'en haut, et la mèche virer, toujours en même place ! C'est ainsi qu'en son œil, nous tenions et tournions notre pointe de feu, et le sang bouillonnait autour du pieu brûlant : paupières et sourcils n'étaient plus que vapeurs de la prunelle en flammes, tandis qu'en grésillant, les racines flambaient... Dans l'eau froide du bain qui trempe le métal, quand le maître bronzier plonge une grosse hache ou bien une doloire, le fer crie et gémit. C'est ainsi qu'en son œil, notre olivier sifflait... Il eut un cri de fauve. La roche retentit. Mais nous, épouvantés, nous étions déjà loin.
Il s'arrache de l'œil le pieu trempé de sang. Il le rejette au loin, de ses mains en délire. Il appelle à grands cris ses voisins, les Cyclopes, qui, dans le vent de la falaise, ont leurs cavernes. Ils entendent son cri ; de partout, ils s'empressent. Ils étaient là, debout, tout autour de la grotte, voulant savoir sa peine :
le chœur. — Polyphème, pourquoi ces cris d'accablement ?... pourquoi nous réveiller en pleine nuit divine ?... serait-ce ton troupeau qu'un mortel vient te prendre ?... est-ce toi que l'on tue par la ruse ou la force ?
De sa plus grosse voix, Polyphème criait du fond de la caverne :
polyphème. — La ruse, mes amis ! la ruse ! et non la force !... et qui me tue ? Personne !
Les autres, de répondre avec ces mots ailés :
lE chœur. — Personne ?... contre toi, pas de force ?... tout seul ?... c'est alors quelque mal qui te vient du grand Zeus, et nous n'y pouvons rien : invoque Posidon, notre roi, notre père !
Ovide, Métamorphoses, Chant VIII.
Minos veut dérober au monde la honte de son hymen : il enferme le Minotaure dans l'enceinte profonde, dans les détours obscurs du labyrinthe. Le plus célèbre des architectes, Dédale, en a tracé les fondements. L'œil s'égare dans des sentiers infinis, sans terme et sans issue, qui se croisent, se mêlent, se confondent entre eux.
Tel le Méandre se joue dans les champs de Phrygie : dans sa course ambiguë, il suit sa pente ou revient sur ses pas, et détournant ses ondes vers leur source, ou les ramenant vers la mer, en mille détours il égare sa route, et roule ses flots incertains. Ainsi Dédale confond tous les sentiers du labyrinthe. À peine lui-même il peut en retrouver l'issue, tant sont merveilleux et son ouvrage et son art !
Enfermé dans le labyrinthe, le monstre, moitié homme et moitié taureau, s'était engraissé deux fois du sang athénien. Après neuf ans, il tomba sous les coups du héros que le sort d'un troisième tribut condamnait à être dévoré. Thésée, à l'aide du fil d'Ariane, revient à la porte du labyrinthe qu'avant lui nul autre n'avait pu retrouver. Soudain, il part avec sa libératrice; il dirige ses voiles vers l'île de Naxos, et sur ce rivage l'ingrat abandonne celle qui l'a sauvé.
Tel le Méandre se joue dans les champs de Phrygie : dans sa course ambiguë, il suit sa pente ou revient sur ses pas, et détournant ses ondes vers leur source, ou les ramenant vers la mer, en mille détours il égare sa route, et roule ses flots incertains. Ainsi Dédale confond tous les sentiers du labyrinthe. À peine lui-même il peut en retrouver l'issue, tant sont merveilleux et son ouvrage et son art !
Enfermé dans le labyrinthe, le monstre, moitié homme et moitié taureau, s'était engraissé deux fois du sang athénien. Après neuf ans, il tomba sous les coups du héros que le sort d'un troisième tribut condamnait à être dévoré. Thésée, à l'aide du fil d'Ariane, revient à la porte du labyrinthe qu'avant lui nul autre n'avait pu retrouver. Soudain, il part avec sa libératrice; il dirige ses voiles vers l'île de Naxos, et sur ce rivage l'ingrat abandonne celle qui l'a sauvé.
dimanche 20 septembre 2009
L'esquive.
BA et extraits.
Les films d'Abdelatif Kechiche sont à l'honneur, puisque son autre film, La graine et le mulet, est recommandé pour le thème des générations.
Les films d'Abdelatif Kechiche sont à l'honneur, puisque son autre film, La graine et le mulet, est recommandé pour le thème des générations.
dimanche 15 février 2009
Le détour ch1: Fiction et éducation
Le détour ; Chapitre 1.
Mythes, fables et contes.
Depuis l’épopée de Gilgamesh, première épopée écrite dans l’histoire de l’humanité (XVIIIe siècle av JC), la littérature est faite de nombreux récits de voyages. A commencer par Ulysse, Hercule et Thésée, la culture occidentale s’inaugure avec des récits de voyages et d’aventures fantastiques. Longs détours qui ne se contentent pas seulement de raconter des histoires mais qui visent souvent un but éducatif. De ce fait, le récit d’un détour est lui-même un détour littéraire qui doit permettre d’enseigner autre chose comme c’est le cas dans les fables ou les contes. Qu’est-ce que le détour de la fiction nous enseigne ?
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage
Ou comme celui-là qui conquit la Toison,
Et puis est retourné plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge! »
Ces vers de Du Bellay expriment clairement l’utilité du détour : il est apprentissage et chemin vers la sagesse, chemin détourné, la ligne droite étant exclue, seule l’exploration des méandres du labyrinthe et la victoire sur les monstres devant permettre de se connaître soi-même.
I : Détours de la mythologie. (Ulysse et le labyrinthe).
On attribue généralement à Homère le titre d’ « éducateur de la Grèce ». En effet, l’Iliade et l’Odyssée ne se contentent pas d’être des récits de bataille et de voyages. L’Odyssée tout particulièrement peut être considérée à la fois comme un traité de géographie, comme un traité de navigation, un traité d’architecture navale, un traité de théologie, un conte moral, etc. Les poèmes homériques sont un condensé de tout ce qu’un jeune grec bien né doit savoir pour mener une vie réussie : savoir naviguer, savoir combattre, conduire un char, respecter les dieux, respecter la justice, châtier les méchants, savoir ruser, contenir sa colère, ne pas se lamenter inutilement, etc. Homère allant même jusqu’à nous expliquer comment nettoyer son linge (Od. VI).
Le voyage d’Ulysse est un détour subi, une errance de dix années imposée par les dieux et par leur colère après dix années de guerre et de siège autour de Troie. Vingt années au total vécues dans l’exil à cause d’une guerre à laquelle il ne voulait pas participer.
Ulysse lui-même est l’homme du détour, surnommé par Homère « l’homme aux mille tours », parmi lesquels le plus connu fut celui du cheval de Troie. Il est pour les grecs l’archétype de l’homme rusé, de l’homme qui sait employer des détours pour parvenir à ses fins, contrairement à la plupart des héros de l’Iliade qui se lancent dans l’action sans réfléchir.
(Petite Histoire de Polyphème + Texte)
Là où Ulysse subit son destin et est contraint au détour par ce dernier, c’est volontairement que Thésée s’en va affronter le Minotaure. Traversant ce multiplicateur de détours qu’est le Labyrinthe.
(Textes : Ovide+ Dictionnaire des symboles)
Ici le détour prend sa dimension initiatique, c’est un chemin dangereux que l’on prend au risque de se perdre, mais aussi au risque de se découvrir soi-même, de vaincre le monstre tapi au fond du labyrinthe de l’esprit, et de s’en sortir grandi.
Les créations de la mythologie avaient ainsi une fonction éducative, elles devaient permettre de passer à l’âge adulte. Cependant, ce qui manque bien souvent aux récits mythiques, c’est une explication rationnelle et morale. En effet, les mythes se contentent de raconter des histoires sans véritablement en tirer de conclusions explicites. C’est au lecteur ou à l’auditeur des poèmes de tirer lui-même des conclusions en interprétant les textes comme bon lui semble.
II : Utilité et pouvoir des fables (La Fontaine)
C’est à ce défaut que les fables tentent de pallier, ne se contentant pas d’un simple récit, elles énoncent en outre une morale qui permet au lecteur de saisir clairement le but visé par l’auteur.
La fable est un court récit écrit plutôt en vers qu’en prose et ayant un but didactique. Elle se caractérise généralement par l’usage d’une symbolique animale, des dialogues vifs, et des ressorts comiques. Les fables les plus caractéristiques comportent un double renversement des positions tenues par les personnages principaux.
La fable classique repose sur une double structure. Dès le titre, on trouve une opposition entre deux personnages dont les positions subjectives sont dissemblables : l’un est placé en position haute et l’autre en position basse. Grâce à un évènement narratif imprévu, celui qui était en position haute se retrouve en position basse et vice versa. Ce schéma, qui se retrouve dans des dizaines de fables (souvent les plus populaires), permet de « bloquer » la compréhension et de véhiculer une moralité claire.
Comme le dit Hegel, « La fable est comme une énigme qui serait toujours accompagnée de sa solution[. »
Les fables les plus connues sont celles d’Esope et celles de La Fontaine en France. Esope est un personnage assez énigmatique dont nous n’avons pas de textes. Ses fables étaient connues dans l’antiquité, originellement écrites en prose, elles furent mises en vers assez tardivement. L’édition la plus ancienne dont nous disposions date du 1er siècle. Esope a été le grand inspirateur des fables de La Fontaine qui lui rend hommage en ces termes : « Je chante les héros dont Ésope est le père, Troupe de qui l'histoire, encore que mensongère, Contient des vérités qui servent de leçons.
Tout parle en mon ouvrage, et même les poissons : Ce qu'ils disent s'adresse à tous tant que nous sommes ; Je me sers d'animaux pour instruire les hommes. »
La fable constitue un détour par la fiction en vue d’expliquer la réalité, cependant elle ne se dispense pas d’énoncer clairement sa ou ses morale(s). La Fontaine s’explique lui-même sur l’intérêt des fables dans Le pouvoir des fables.
(Texte)
Ce texte propose un triple éloge de la fable : éloge de l'argumentation indirecte de la fable face à l'argumentation directe qu'est l'éloquence, éloge de la valeur politique de la fable et enfin l'éloge de la sagesse humaine que montre cette pratique de la fiction.
L’éloge de l’argumentation indirecte prend appui sur une mise en abyme dans laquelle, au lieu de seulement représenter les défauts des hommes, le fabuliste va se représenter lui-même sous les traits d’un autre fabuliste afin d’en expliquer la fonction. La morale porte non seulement sur le caractère des hommes mais aussi sur l’attitude que les moralistes doivent adopter puisque l’injonction du vers 37 « il le faut encore amuser comme un enfant » s’adresse aux moralistes et à tous ceux qui parlent aux hommes. L’éloge de la fable porte sur la comparaison entre la fable et l’éloquence. Au départ il y a un discours politique, éloquent puis ensuite l’orateur choisit une fable. On voit que c’est la fable qui emporte l’attention de l’assistance. L’éloquence ne paie pas, ce sont des paroles inefficaces que le public n’entend pas, n’écoute pas et le lecteur non plus. La seule parole efficace est la fable.
Dans ce texte, La Fontaine vise en outre à montrer que les fables ne sont pas seulement le fait du moraliste et qu’elles peuvent aussi avoir une fonction politique. Le bon politique doit aussi savoir employer le détour des fables pour faire ressortir clairement son point de vue.
Enfin, ce texte est un éloge de la sagesse humaine que l’on trouve dans les apologues. L’enfance est un défaut humain, La Fontaine parle en moraliste mais cependant s’il y a une critique il y a quand même de l’indulgence puisqu’il considère que le plaisir d’écouter des fables est un trait naturel de l’homme dont tout auteur doit tenir compte. C’est en rappelant les hommes à leur propre enfance qu’on parvient le mieux à leur expliquer les choses. Il y a ici deux morales :
* une politique (un homme politique doit être fabuliste)
* une qui s’adresse aux moralistes pour enseigner aux hommes qu’il faut provoquer un plaisir chez le lecteur.
Etant donné que le lecteur est un enfant, il faut lui parler sous forme de fable (art qui tire partie de l’enfance et qui essaie de les guider hors de la permanence de l’enfance chez les adultes) Il y a une forme de sagesse dans le fait d’écrire des fictions chez La Fontaine.
III : Psychanalyse des contes de fées.
Psychanalyse des contes de fées est le titre d’un ouvrage de Bruno Bettelheim (1903-1990) qui eut un succès retentissant lors de sa parution (1976) auprès des spécialistes de l’enfance et des parents. L’intérêt de cet ouvrage est que Bettelheim décrypte les contes de fées d’un point de vue psychologique et leur donne une dimension nouvelle, bien au-delà de ce qu’on pourrait attendre de récits pour enfants. il explique que les contes de fées exercent une fonction thérapeutique sur l'enfant : ils répondent de façon précise aux angoisses du jeune enfant et lui permettre d’élaborer des réponses à ces angoisses et donc de se trouver mieux assurer dans leur vie et dans leur développement.
Afin d’expliquer cet ouvrage, nous allons nous attacher en premier lieu à un exemple concret de conte : les 3 petits cochons.
La question que pose ce conte à l’enfant est celle de savoir s’il vaut mieux suivre le principe de plaisir ou le principe de réalité. Ce conte explique aux enfants qu’il ne faut pas être paresseux et prendre les choses à la légère, sans quoi ils peuvent risquer leur vie. Il s’agit aussi de comprendre l’intérêt de la prévoyance, que c’est en étant prévoyant qu’on s’évite souvent des ennuis. L’histoire montre aussi les avantages que nous gagnons en grandissant, puisque le troisième petit cochon, le plus sage, est d’ordinaire présenté comme étant le plus gros et le plus âgé. Sur le plan de la psychanalyse, il s’agit de montrer un progrès allant du cochon le plus primitif dominé par le ça et le principe de plaisir au cochon le plus évolué, influencé par le surmoi et dont le moi contrôle l’action. Le deuxième cochon étant une sorte d’intermédiaire, il fait un effort pour faire une maison en bois mais cet effort est insuffisant, ce qui signifie qu’on a beau vouloir s’améliorer, cela ne réussit pas forcément du premier coup.
Si les deux premières maisons échouent, c’est aussi et surtout parce que les deux premiers cochons sont pressés d’aller s’amuser et construisent donc leurs maisons à la va-vite. « Vivant selon le principe de plaisir, les plus jeunes cherchent des satisfactions immédiates sans penser une seconde à l’avenir ni aux dangers de la réalité,… ». Si l’on y réfléchit, ce conte a un objet semblable à la fable de La cigale et la fourmi, mais ce qui le différencie, c’est qu’il n’y a pas de morale à la fin. C’est ce qui fait toute la force du conte selon Bettelheim, la morale n’est pas explicite dans le conte, elle est implicite et laisse l’enfant utiliser son imagination sans le contraindre. Au niveau du récit, la cigale est semblable aux deux premiers cochons, elle ne cherche qu’à s’amuser et ne fait pas preuve de prévoyance. Dans les deux histoires, l’enfant s’identifie aux animaux. Mais dans le cas de la cigale, la fin de l’histoire va le laisser sans espoir. La cigale, étant vouée à un sort tragique, le message reçu implicitement par l’enfant est « travaille ou sinon gare à toi ». A l’opposé, l’histoire des trois petits cochons est évolutive, en effet les trois personnages n’en sont en réalité qu’un seul mais à trois stades différents de son développement. En effet, l’enfant va s’identifier successivement à chacun des cochons. Il s’agit d’une évolution allant du principe de plaisir au principe de réalité, mais c’est aussi la possibilité d’accéder à plus de plaisir une fois que le principe de réalité a été surmonté. En effet, le troisième cochon peut aussi s’amuser une fois sa maison construite, et il a en outre la possibilité de se moquer du loup et, finalement, de le manger.
Là où la fable avait pour message implicite qu’il ne faut pas jouir du soleil de l’été mais travailler, le conte nous dit qu’on peut jouir du soleil après avoir travaillé.
Si l’enfant s’identifie aux trois cochons, il s’identifie aussi au loup, qui symbolise son coté dévorant et agressif. Et de ce point de vue aussi, ce conte est extrêmement instructif, il apprend en effet à l’enfant que son agressivité et son désir de tout dévorer goulument sont des pulsions qu’il faut savoir domestiquer, sans quoi le mangeur risque de finir mangé.
« Les 3 petits cochons, influencent la pensée de l’enfant quant à son propre développement, sans même lui dire ce qu’il doit faire, en lui permettant de tirer lui-même ses conclusions. Seul ce processus est à même d’apporter une véritable maturité ; si, par contre, on dit à l’enfant ce qu’il doit faire, on ne fait que remplacer les entraves de son immaturité par celles de sa servitude à l’égard des commandements des adultes. »
Le thème principal de ce conte est celui de la prévoyance et de la capacité à différer un plaisir immédiat en vue d’un plaisir plus grand ou plus durable plus tard. Et, de la même manière, chaque conte a un thème particulier (Blanche-neige parle du rapport mère-fille et de ses conflits potentiels, Cendrillon porte l’idée qu’il ne faut pas trainer dehors trop tard la nuit, le petit chaperon rouge évoque les dangers des mauvaises rencontres pour les jeunes filles et les incite à écouter les conseils de leur mère).
Ainsi les contes sont des détours pour dire quelque chose aux enfants sans le leur dire explicitement. Il s’agit en effet pour ces derniers de découvrir par eux-mêmes la morale de ces histoires, de l’élaborer de façon personnelle, de la créer pour qu’elle soit leur propre œuvre, participant à la création de leur personnalité sans que cette dernière soit ressentie comme étant imposée de façon arbitraire par des parents dominateurs ; ce qui serait la négation de la liberté de l’enfant.
Note sur la psychanalyse : Principe de plaisir et principe de réalité.
Principe de plaisir et principe de réalité sont les deux principes régissant le fonctionnement mental selon Freud. L’ensemble de l’activité psychique a pour but d’éviter le déplaisir et de procurer le plaisir. En tant que le déplaisir est lié à l’augmentation des quantités d’excitation et le plaisir à leur réduction, le principe de plaisir est un principe économique. Le principe de réalité forme un couple avec le principe de plaisir qu’il modifie ; dans la mesure où il réussit à s’imposer comme principe régulateur, la recherche de la satisfaction ne s’effectue plus par les voies les plus courtes, mais elle emprunte des détours et ajourne son résultat en fonction des conditions imposées par le monde extérieur. C’est le principe de réalité qui va transformer l’énergie psychique libre en énergie liée à un objet. Il est en contradiction aussi avec le principe de plaisir en tant que pulsion de conservation (pulsion du Moi), le principe de plaisir pouvant mener à l’auto-destruction.
Conclusion et ouverture
Fictions philosophiques : Les contes philosophiques de Voltaire (Candide, Micromegas) Les lettres persanes de Montesquieu.
Mythes, fables et contes.
Depuis l’épopée de Gilgamesh, première épopée écrite dans l’histoire de l’humanité (XVIIIe siècle av JC), la littérature est faite de nombreux récits de voyages. A commencer par Ulysse, Hercule et Thésée, la culture occidentale s’inaugure avec des récits de voyages et d’aventures fantastiques. Longs détours qui ne se contentent pas seulement de raconter des histoires mais qui visent souvent un but éducatif. De ce fait, le récit d’un détour est lui-même un détour littéraire qui doit permettre d’enseigner autre chose comme c’est le cas dans les fables ou les contes. Qu’est-ce que le détour de la fiction nous enseigne ?
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage
Ou comme celui-là qui conquit la Toison,
Et puis est retourné plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge! »
Ces vers de Du Bellay expriment clairement l’utilité du détour : il est apprentissage et chemin vers la sagesse, chemin détourné, la ligne droite étant exclue, seule l’exploration des méandres du labyrinthe et la victoire sur les monstres devant permettre de se connaître soi-même.
I : Détours de la mythologie. (Ulysse et le labyrinthe).
On attribue généralement à Homère le titre d’ « éducateur de la Grèce ». En effet, l’Iliade et l’Odyssée ne se contentent pas d’être des récits de bataille et de voyages. L’Odyssée tout particulièrement peut être considérée à la fois comme un traité de géographie, comme un traité de navigation, un traité d’architecture navale, un traité de théologie, un conte moral, etc. Les poèmes homériques sont un condensé de tout ce qu’un jeune grec bien né doit savoir pour mener une vie réussie : savoir naviguer, savoir combattre, conduire un char, respecter les dieux, respecter la justice, châtier les méchants, savoir ruser, contenir sa colère, ne pas se lamenter inutilement, etc. Homère allant même jusqu’à nous expliquer comment nettoyer son linge (Od. VI).
Le voyage d’Ulysse est un détour subi, une errance de dix années imposée par les dieux et par leur colère après dix années de guerre et de siège autour de Troie. Vingt années au total vécues dans l’exil à cause d’une guerre à laquelle il ne voulait pas participer.
Ulysse lui-même est l’homme du détour, surnommé par Homère « l’homme aux mille tours », parmi lesquels le plus connu fut celui du cheval de Troie. Il est pour les grecs l’archétype de l’homme rusé, de l’homme qui sait employer des détours pour parvenir à ses fins, contrairement à la plupart des héros de l’Iliade qui se lancent dans l’action sans réfléchir.
(Petite Histoire de Polyphème + Texte)
Là où Ulysse subit son destin et est contraint au détour par ce dernier, c’est volontairement que Thésée s’en va affronter le Minotaure. Traversant ce multiplicateur de détours qu’est le Labyrinthe.
(Textes : Ovide+ Dictionnaire des symboles)
Ici le détour prend sa dimension initiatique, c’est un chemin dangereux que l’on prend au risque de se perdre, mais aussi au risque de se découvrir soi-même, de vaincre le monstre tapi au fond du labyrinthe de l’esprit, et de s’en sortir grandi.
Les créations de la mythologie avaient ainsi une fonction éducative, elles devaient permettre de passer à l’âge adulte. Cependant, ce qui manque bien souvent aux récits mythiques, c’est une explication rationnelle et morale. En effet, les mythes se contentent de raconter des histoires sans véritablement en tirer de conclusions explicites. C’est au lecteur ou à l’auditeur des poèmes de tirer lui-même des conclusions en interprétant les textes comme bon lui semble.
II : Utilité et pouvoir des fables (La Fontaine)
C’est à ce défaut que les fables tentent de pallier, ne se contentant pas d’un simple récit, elles énoncent en outre une morale qui permet au lecteur de saisir clairement le but visé par l’auteur.
La fable est un court récit écrit plutôt en vers qu’en prose et ayant un but didactique. Elle se caractérise généralement par l’usage d’une symbolique animale, des dialogues vifs, et des ressorts comiques. Les fables les plus caractéristiques comportent un double renversement des positions tenues par les personnages principaux.
La fable classique repose sur une double structure. Dès le titre, on trouve une opposition entre deux personnages dont les positions subjectives sont dissemblables : l’un est placé en position haute et l’autre en position basse. Grâce à un évènement narratif imprévu, celui qui était en position haute se retrouve en position basse et vice versa. Ce schéma, qui se retrouve dans des dizaines de fables (souvent les plus populaires), permet de « bloquer » la compréhension et de véhiculer une moralité claire.
Comme le dit Hegel, « La fable est comme une énigme qui serait toujours accompagnée de sa solution[. »
Les fables les plus connues sont celles d’Esope et celles de La Fontaine en France. Esope est un personnage assez énigmatique dont nous n’avons pas de textes. Ses fables étaient connues dans l’antiquité, originellement écrites en prose, elles furent mises en vers assez tardivement. L’édition la plus ancienne dont nous disposions date du 1er siècle. Esope a été le grand inspirateur des fables de La Fontaine qui lui rend hommage en ces termes : « Je chante les héros dont Ésope est le père, Troupe de qui l'histoire, encore que mensongère, Contient des vérités qui servent de leçons.
Tout parle en mon ouvrage, et même les poissons : Ce qu'ils disent s'adresse à tous tant que nous sommes ; Je me sers d'animaux pour instruire les hommes. »
La fable constitue un détour par la fiction en vue d’expliquer la réalité, cependant elle ne se dispense pas d’énoncer clairement sa ou ses morale(s). La Fontaine s’explique lui-même sur l’intérêt des fables dans Le pouvoir des fables.
(Texte)
Ce texte propose un triple éloge de la fable : éloge de l'argumentation indirecte de la fable face à l'argumentation directe qu'est l'éloquence, éloge de la valeur politique de la fable et enfin l'éloge de la sagesse humaine que montre cette pratique de la fiction.
L’éloge de l’argumentation indirecte prend appui sur une mise en abyme dans laquelle, au lieu de seulement représenter les défauts des hommes, le fabuliste va se représenter lui-même sous les traits d’un autre fabuliste afin d’en expliquer la fonction. La morale porte non seulement sur le caractère des hommes mais aussi sur l’attitude que les moralistes doivent adopter puisque l’injonction du vers 37 « il le faut encore amuser comme un enfant » s’adresse aux moralistes et à tous ceux qui parlent aux hommes. L’éloge de la fable porte sur la comparaison entre la fable et l’éloquence. Au départ il y a un discours politique, éloquent puis ensuite l’orateur choisit une fable. On voit que c’est la fable qui emporte l’attention de l’assistance. L’éloquence ne paie pas, ce sont des paroles inefficaces que le public n’entend pas, n’écoute pas et le lecteur non plus. La seule parole efficace est la fable.
Dans ce texte, La Fontaine vise en outre à montrer que les fables ne sont pas seulement le fait du moraliste et qu’elles peuvent aussi avoir une fonction politique. Le bon politique doit aussi savoir employer le détour des fables pour faire ressortir clairement son point de vue.
Enfin, ce texte est un éloge de la sagesse humaine que l’on trouve dans les apologues. L’enfance est un défaut humain, La Fontaine parle en moraliste mais cependant s’il y a une critique il y a quand même de l’indulgence puisqu’il considère que le plaisir d’écouter des fables est un trait naturel de l’homme dont tout auteur doit tenir compte. C’est en rappelant les hommes à leur propre enfance qu’on parvient le mieux à leur expliquer les choses. Il y a ici deux morales :
* une politique (un homme politique doit être fabuliste)
* une qui s’adresse aux moralistes pour enseigner aux hommes qu’il faut provoquer un plaisir chez le lecteur.
Etant donné que le lecteur est un enfant, il faut lui parler sous forme de fable (art qui tire partie de l’enfance et qui essaie de les guider hors de la permanence de l’enfance chez les adultes) Il y a une forme de sagesse dans le fait d’écrire des fictions chez La Fontaine.
III : Psychanalyse des contes de fées.
Psychanalyse des contes de fées est le titre d’un ouvrage de Bruno Bettelheim (1903-1990) qui eut un succès retentissant lors de sa parution (1976) auprès des spécialistes de l’enfance et des parents. L’intérêt de cet ouvrage est que Bettelheim décrypte les contes de fées d’un point de vue psychologique et leur donne une dimension nouvelle, bien au-delà de ce qu’on pourrait attendre de récits pour enfants. il explique que les contes de fées exercent une fonction thérapeutique sur l'enfant : ils répondent de façon précise aux angoisses du jeune enfant et lui permettre d’élaborer des réponses à ces angoisses et donc de se trouver mieux assurer dans leur vie et dans leur développement.
Afin d’expliquer cet ouvrage, nous allons nous attacher en premier lieu à un exemple concret de conte : les 3 petits cochons.
La question que pose ce conte à l’enfant est celle de savoir s’il vaut mieux suivre le principe de plaisir ou le principe de réalité. Ce conte explique aux enfants qu’il ne faut pas être paresseux et prendre les choses à la légère, sans quoi ils peuvent risquer leur vie. Il s’agit aussi de comprendre l’intérêt de la prévoyance, que c’est en étant prévoyant qu’on s’évite souvent des ennuis. L’histoire montre aussi les avantages que nous gagnons en grandissant, puisque le troisième petit cochon, le plus sage, est d’ordinaire présenté comme étant le plus gros et le plus âgé. Sur le plan de la psychanalyse, il s’agit de montrer un progrès allant du cochon le plus primitif dominé par le ça et le principe de plaisir au cochon le plus évolué, influencé par le surmoi et dont le moi contrôle l’action. Le deuxième cochon étant une sorte d’intermédiaire, il fait un effort pour faire une maison en bois mais cet effort est insuffisant, ce qui signifie qu’on a beau vouloir s’améliorer, cela ne réussit pas forcément du premier coup.
Si les deux premières maisons échouent, c’est aussi et surtout parce que les deux premiers cochons sont pressés d’aller s’amuser et construisent donc leurs maisons à la va-vite. « Vivant selon le principe de plaisir, les plus jeunes cherchent des satisfactions immédiates sans penser une seconde à l’avenir ni aux dangers de la réalité,… ». Si l’on y réfléchit, ce conte a un objet semblable à la fable de La cigale et la fourmi, mais ce qui le différencie, c’est qu’il n’y a pas de morale à la fin. C’est ce qui fait toute la force du conte selon Bettelheim, la morale n’est pas explicite dans le conte, elle est implicite et laisse l’enfant utiliser son imagination sans le contraindre. Au niveau du récit, la cigale est semblable aux deux premiers cochons, elle ne cherche qu’à s’amuser et ne fait pas preuve de prévoyance. Dans les deux histoires, l’enfant s’identifie aux animaux. Mais dans le cas de la cigale, la fin de l’histoire va le laisser sans espoir. La cigale, étant vouée à un sort tragique, le message reçu implicitement par l’enfant est « travaille ou sinon gare à toi ». A l’opposé, l’histoire des trois petits cochons est évolutive, en effet les trois personnages n’en sont en réalité qu’un seul mais à trois stades différents de son développement. En effet, l’enfant va s’identifier successivement à chacun des cochons. Il s’agit d’une évolution allant du principe de plaisir au principe de réalité, mais c’est aussi la possibilité d’accéder à plus de plaisir une fois que le principe de réalité a été surmonté. En effet, le troisième cochon peut aussi s’amuser une fois sa maison construite, et il a en outre la possibilité de se moquer du loup et, finalement, de le manger.
Là où la fable avait pour message implicite qu’il ne faut pas jouir du soleil de l’été mais travailler, le conte nous dit qu’on peut jouir du soleil après avoir travaillé.
Si l’enfant s’identifie aux trois cochons, il s’identifie aussi au loup, qui symbolise son coté dévorant et agressif. Et de ce point de vue aussi, ce conte est extrêmement instructif, il apprend en effet à l’enfant que son agressivité et son désir de tout dévorer goulument sont des pulsions qu’il faut savoir domestiquer, sans quoi le mangeur risque de finir mangé.
« Les 3 petits cochons, influencent la pensée de l’enfant quant à son propre développement, sans même lui dire ce qu’il doit faire, en lui permettant de tirer lui-même ses conclusions. Seul ce processus est à même d’apporter une véritable maturité ; si, par contre, on dit à l’enfant ce qu’il doit faire, on ne fait que remplacer les entraves de son immaturité par celles de sa servitude à l’égard des commandements des adultes. »
Le thème principal de ce conte est celui de la prévoyance et de la capacité à différer un plaisir immédiat en vue d’un plaisir plus grand ou plus durable plus tard. Et, de la même manière, chaque conte a un thème particulier (Blanche-neige parle du rapport mère-fille et de ses conflits potentiels, Cendrillon porte l’idée qu’il ne faut pas trainer dehors trop tard la nuit, le petit chaperon rouge évoque les dangers des mauvaises rencontres pour les jeunes filles et les incite à écouter les conseils de leur mère).
Ainsi les contes sont des détours pour dire quelque chose aux enfants sans le leur dire explicitement. Il s’agit en effet pour ces derniers de découvrir par eux-mêmes la morale de ces histoires, de l’élaborer de façon personnelle, de la créer pour qu’elle soit leur propre œuvre, participant à la création de leur personnalité sans que cette dernière soit ressentie comme étant imposée de façon arbitraire par des parents dominateurs ; ce qui serait la négation de la liberté de l’enfant.
Note sur la psychanalyse : Principe de plaisir et principe de réalité.
Principe de plaisir et principe de réalité sont les deux principes régissant le fonctionnement mental selon Freud. L’ensemble de l’activité psychique a pour but d’éviter le déplaisir et de procurer le plaisir. En tant que le déplaisir est lié à l’augmentation des quantités d’excitation et le plaisir à leur réduction, le principe de plaisir est un principe économique. Le principe de réalité forme un couple avec le principe de plaisir qu’il modifie ; dans la mesure où il réussit à s’imposer comme principe régulateur, la recherche de la satisfaction ne s’effectue plus par les voies les plus courtes, mais elle emprunte des détours et ajourne son résultat en fonction des conditions imposées par le monde extérieur. C’est le principe de réalité qui va transformer l’énergie psychique libre en énergie liée à un objet. Il est en contradiction aussi avec le principe de plaisir en tant que pulsion de conservation (pulsion du Moi), le principe de plaisir pouvant mener à l’auto-destruction.
Conclusion et ouverture
Fictions philosophiques : Les contes philosophiques de Voltaire (Candide, Micromegas) Les lettres persanes de Montesquieu.
BTS MUC 2: Le détour. Introduction
Le détour
Introduction :
La notion de détour vise à nous faire réfléchir sur une grande diversité de thèmes tels que le temps, la vitesse, la liberté, le risque, la franchise ou la diplomatie.
On peut définir le détour comme un tracé qui s’écarte le chemin direct (le détour d’un chemin) ou comme l’action de parcourir un chemin plus long que le chemin direct (faire un détour). Le détour a ainsi deux dimensions : une dimension de fait, à savoir que bien souvent je ne peux pas me rendre d’un point A à un point B sans avoir à contourner quelque obstacle (montagne, rivière, etc.), et une dimension d’action, à savoir qu’en dehors des obstacles qui nous obligent au détour, nous pouvons aussi choisir librement et volontairement de prendre le temps de faire un détour au risque de s’égarer. Le détour se détermine donc à la fois comme obstacle et comme risque, mais aussi comme preuve de ma liberté et de ma capacité de décider ce que je dois faire de mon temps.
Ainsi, le détour est fondamentalement lié à la notion de trajet ou de parcours. Cheminements qui peuvent aussi bien s’entendre sur le plan extérieur du voyage que sur celui (intérieur) de la pensée. Entre le niveau le plus élémentaire et le plus intérieur se déclinent un bon nombre d’espèces de détours dont nous allons étudier quelques cas : le détour par la fiction, le détour stratégique et les détours du langage et de la pensée.
L’idée principale de l’étude de cette notion est que le chemin le plus direct n’est pas forcément le meilleur à prendre. L’étude du détour se situe dans le contexte contemporain d’un monde épris de vitesse, un monde dans lequel nous ne supportons généralement pas d’attendre ou d’être patients, un monde dans lequel il faut éviter au maximum de perdre son temps qui, comme chacun sait, est de l’argent. En effet, le monde actuel vise le direct, recherche le gain de temps, il s’agit d’aller droit au but en pensant que c’est le moyen le plus rapide d’y arriver. Or cela n’a rien d’évident, en effet il est souvent préférable d’employer des détours pour aller plus vite (prendre le temps de réfléchir à son itinéraire par exemple), il est parfois judicieux de ne pas être trop direct dans sa façon de parler à autrui (au risque de la froisser ou de la braquer) ou tout simplement de ne pas foncer sur les routes pour éviter les accidents.
Ainsi, si le détour peut parfois constituer un risque, il peut aussi s’avérer être précisément ce qui préserve du risque, ce qui limite la casse ; et si le détour peut sembler nous faire perdre du temps, il peut aussi nous en faire gagner.
Introduction :
La notion de détour vise à nous faire réfléchir sur une grande diversité de thèmes tels que le temps, la vitesse, la liberté, le risque, la franchise ou la diplomatie.
On peut définir le détour comme un tracé qui s’écarte le chemin direct (le détour d’un chemin) ou comme l’action de parcourir un chemin plus long que le chemin direct (faire un détour). Le détour a ainsi deux dimensions : une dimension de fait, à savoir que bien souvent je ne peux pas me rendre d’un point A à un point B sans avoir à contourner quelque obstacle (montagne, rivière, etc.), et une dimension d’action, à savoir qu’en dehors des obstacles qui nous obligent au détour, nous pouvons aussi choisir librement et volontairement de prendre le temps de faire un détour au risque de s’égarer. Le détour se détermine donc à la fois comme obstacle et comme risque, mais aussi comme preuve de ma liberté et de ma capacité de décider ce que je dois faire de mon temps.
Ainsi, le détour est fondamentalement lié à la notion de trajet ou de parcours. Cheminements qui peuvent aussi bien s’entendre sur le plan extérieur du voyage que sur celui (intérieur) de la pensée. Entre le niveau le plus élémentaire et le plus intérieur se déclinent un bon nombre d’espèces de détours dont nous allons étudier quelques cas : le détour par la fiction, le détour stratégique et les détours du langage et de la pensée.
L’idée principale de l’étude de cette notion est que le chemin le plus direct n’est pas forcément le meilleur à prendre. L’étude du détour se situe dans le contexte contemporain d’un monde épris de vitesse, un monde dans lequel nous ne supportons généralement pas d’attendre ou d’être patients, un monde dans lequel il faut éviter au maximum de perdre son temps qui, comme chacun sait, est de l’argent. En effet, le monde actuel vise le direct, recherche le gain de temps, il s’agit d’aller droit au but en pensant que c’est le moyen le plus rapide d’y arriver. Or cela n’a rien d’évident, en effet il est souvent préférable d’employer des détours pour aller plus vite (prendre le temps de réfléchir à son itinéraire par exemple), il est parfois judicieux de ne pas être trop direct dans sa façon de parler à autrui (au risque de la froisser ou de la braquer) ou tout simplement de ne pas foncer sur les routes pour éviter les accidents.
Ainsi, si le détour peut parfois constituer un risque, il peut aussi s’avérer être précisément ce qui préserve du risque, ce qui limite la casse ; et si le détour peut sembler nous faire perdre du temps, il peut aussi nous en faire gagner.
Féodalité et absolutisme
Ch.2 : De la féodalité à l’absolutisme.
L’empire romain d’occident disparaîtra en 476 et c’est le christianisme qui va prendre le pouvoir sur une Europe divisée et morcelée. C’est le christianisme qui le premier s’opposa au culte de l’Empereur et qui, en devenant religion d’Etat sous Constantin (IVe siècle) y mit définitivement fin. Et c’est notamment dans la doctrine de St Augustin et sa théorie des deux cités que l’Eglise trouvera les arguments lui permettant de se libérer du joug du pouvoir séculier : la cité de Dieu, l’Eglise, est autonome de la cité humaine, et même supérieure puisque promise à l’éternité, alors que la cité des hommes (et le déclin de l’Empire romain le prouve) est soumise aux épreuves du temps.
La doctrine augustinienne va alors largement se répandre et faire l’objet de nombreuses réappropriations : le pape Gélase Ier (492-496) l’interprète en faveur du pouvoir pontifical. « Il existe deux principes par la primatie desquels le monde est régi : l’autorité sacrée des pontifes et le pouvoir royal. En cela la charge des évêques est d’autant plus importante qu’ils auront à répondre au tribunal de Dieu, pour les rois eux-mêmes », écrit-il en 494.
La doctrine de Gélase (l’augustinisme politique) servira de référence à l’Eglise pendant près de 8 siècles, sans toujours réussir à convaincre le pouvoir temporel : jusqu’au 12e siècle, l’histoire du Moyen-âge européen est nourri des conflits entre les rois et les papes. C’est ce qu’on appellera la « querelle des investitures », la question posée étant : qui, du pape ou du roi, est plus légitime pour élire l’autre.
I : Le système féodal.
Cette querelle entre le religieux et le politique s’insère dans un cadre politique nouveau, celui du système féodal, qui va perdurer dans la plupart des pays européens jusqu’au XIVe siècle. La tentative de l’empire carolingien de restaurer l’ancien empire romain d’occident, est rapidement victime des guerres de succession et des invasions. L’empire se morcelle, le droit recule et les sociétés européennes reviennent à un modèle social archaïque, peu éloignées, sous certains aspects des systèmes de clans d’avant l’antiquité gréco-romaine. La féodalité repose à la fois sur la détention de la terre, le fief, et le contrat qui relève du droit privé. Le contrat vassalique est l’acte par lequel un vassal s’engage au service d’un autre homme, en échange de sa protection. A la différence du serf, qui est dépendant du seigneur auquel appartient le territoire où il est né, le vassal choisit sa dépendance. Cependant cette dernière est totale une fois le contrat scellé par la cérémonie de l’hommage : « Sire, je deviens votre homme » déclare le vassal. Il promet de se battre pour son suzerain, de le soutenir financièrement et de le conseiller en échange de la protection et de la générosité de son seigneur qui lui octroie un fief.
Le système féodal ne supprime pas la fonction royale, mais elle l’affaiblit considérablement, puisque le roi n’est plus que le suzerain de ses vassaux et n’a plus de pouvoir direct de ses sujets (en France on le surnomme « le premier entre les égaux »). A partir du Xe siècle, le titre de roi, même s’il reste sacré et donc d’essence religieuse, ne confère plus une réelle prééminence sur les autres seigneurs et, en pratique, les rois sont incapables d’exercer une tutelle directe sur les puissants duchés, comtés et baronnies qui composent leurs royaumes.
Le contrat vassalique se fonde sur un serment oral et gestuel, ce n’est qu’au XIIe siècle qu’on commence à voir apparaître une codification écrite (le droit coutumier). Et c’est à partir de cette époque que les rois vont commencer à concentrer les pouvoirs.
II : La fonction royale.
C’est à partir du XIIIe siècle que la royauté féodale va entamer son long processus de transformation en monarchie absolue. A l’ouest de l’Europe, les rois commencent à concentrer les territoires et les pouvoirs. La couronne devient progressivement une institution politique à part entière, encadrée par des règles et prolongée par un appareil administratif organisé. On suppose notamment que c’est du fait des rivalités entre vassaux que les rois ont peu à peu acquis la prééminence du fait qu’ils étaient souvent chargés de régler ces conflits (Cf les législations de St Louis qui voulaient que tous les vassaux se coalisent sous la bannière du roi contre un vassal qui en attaquait un autre). Cette évolution est visible surtout en Espagne, en France et en Angleterre entre le XIII et le XVe siècle. Mais les divisions internes entre seigneurs n’expliquent pas totalement le phénomène, il faut y ajouter les guerres externes (entre la France et l’Angleterre, la reconquista espagnole contre les musulmans et les croisades) qui sont de puissants facteurs de cohésion autour de la figure du monarque qui s’en trouve légitimée.
Cependant, au XIVe siècle, la monarchie n’est déjà plus associée à la personne du roi ; elle est désormais considérée comme une institution en tant que telle. Malgré le culte de la personnalité qu’essaient d’imposer les monarques, une distinction se dessine nettement entre la fonction royale, éternelle, et la personne royale, charnelle et mortelle. Contrairement au système féodal, qui s’appuyait sur le code de l’honneur et de la coutume, les règles de la monarchie sont strictement codifiées et l’appareil d’Etat bureaucratisé. En Angleterre par exemple, la Magna Carta (la Grande Charte) de 1215marque clairement les limites du pouvoir royal. Ce texte limite l'arbitraire royal et établit en droit l'habeas corpus qui empêche, entre autres, l'emprisonnement arbitraire. Il garantit les droits féodaux, les libertés des villes contre l’arbitraire royal et institue le contrôle de l’impôt par le Grand Conseil du Royaume (la future chambre des lords). Enfin, le système monarchique est consolidé par son caractère sacré, renforcé par tout un appareillage de symboles et de rituels.
Autre aspect nouveau, l’émergence d’un sentiment national des deux côtés de la Manche, lors de la guerre de cent ans (1337-1453), qui oppose la France à l’Angleterre.
L’Etat monarchique sera théorisé pour la première fois par Jean Bodin au XVIe siècle qui analysera pour la première fois le principe fondamental de souveraineté comme principe de l’autorité politique suprême qu’il croit devoir résider entre les mains de la couronne. Il est le premier théoricien de la monarchie absolue.
III : Puissance absolue et perpétuelle.
Loin de se contenter de justifier le pouvoir royal par des arguments religieux, dans un contexte politique fragilisé par les guerres de religions entre catholiques et protestants, Jean Bodin (1530-1596) tente de poser définitivement les principes universels du pouvoir politique, CAD l’essence même du pouvoir. Pour lui, la clé de voute n’est autre que le concept de souveraineté : « La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une république » (NB : par république, Bodin entend état moderne CAD monarchique). La souveraineté est absolue, CAD indivisible. Elle ne se partage plus comme c’était le cas dans le système féodal. Bodin la considère comme n’étant limitée ni en puissance ni à un certain temps ; et elle consiste à donner la loi aux sujets sans leur consentement. (Inspiration platonicienne ?).
A travers cette thèse se dessine incontestablement en filigrane la définition de l’Etat moderne : continuité, impersonnalité et domination politique. Mais s’il semble défendre l’idée d’une monarchie absolue, Bodin donne aussi des arguments pour limiter le pouvoir du roi. Il fait bien la distinction entre le roi et le tyran, l’un gouvernant avec justice dans le cadre d’un Etat, l’autre exerçant le pouvoir selon ses propres désirs qui vont, en général, contre les intérêts de ses sujets. Son œuvre donnera pourtant à l’idée même de pouvoir absolu les bases théoriques nécessaires à son développement.
En France, ce concept s’impose progressivement, suite à une longue période d’instabilité politique. Lorsqu’Henri IV monte sur le trône, il rétablit la paix entre catholiques et protestants en signant l’édit de Nantes (1598). Absolutisme rime alors avec paix civile. Entre 1648 et 1653, le parlement de Paris, formé pour exercer la justice et les formalités administratives du royaume, tente de combattre l’absolutisme royal : c’est la Fronde, révolte de nobles contre l’autorité royale. Cette révolte se soldera par la défaite de la noblesse, il ne restera plus dès lors en France qu’un peuple et un roi : Louis XIV (1643-1715).
En 1666, il déclare au parlement de Paris : « C’est en ma personne seule que réside l’autorité souveraine, dont le caractère propre est l’esprit de conseil, de justice et de raison. C’est à moi seul qu’appartient le pouvoir législatif sans dépendance et sans partage. L’ordre public tout entier émane de moi. ». L’Etat, c’est lui.
Un siècle plus tard, la révolution de 1789 ne sera pas réellement un refus radical de la monarchie absolue et de ses travers, en effet, avec Louis XV et Louis XVI, l’absolutisme va s’assouplir et tenter de créer des contre-pouvoirs, tentatives qui seront cependant empêchées par le parlement de Paris et par la noblesse. C’est contre cette mauvaise volonté de la noblesse que se déchainera la révolution. Louis XVI n’en sera pas moins guillotiné le 21 janvier 1793. La monarchie absolue était morte.
L’empire romain d’occident disparaîtra en 476 et c’est le christianisme qui va prendre le pouvoir sur une Europe divisée et morcelée. C’est le christianisme qui le premier s’opposa au culte de l’Empereur et qui, en devenant religion d’Etat sous Constantin (IVe siècle) y mit définitivement fin. Et c’est notamment dans la doctrine de St Augustin et sa théorie des deux cités que l’Eglise trouvera les arguments lui permettant de se libérer du joug du pouvoir séculier : la cité de Dieu, l’Eglise, est autonome de la cité humaine, et même supérieure puisque promise à l’éternité, alors que la cité des hommes (et le déclin de l’Empire romain le prouve) est soumise aux épreuves du temps.
La doctrine augustinienne va alors largement se répandre et faire l’objet de nombreuses réappropriations : le pape Gélase Ier (492-496) l’interprète en faveur du pouvoir pontifical. « Il existe deux principes par la primatie desquels le monde est régi : l’autorité sacrée des pontifes et le pouvoir royal. En cela la charge des évêques est d’autant plus importante qu’ils auront à répondre au tribunal de Dieu, pour les rois eux-mêmes », écrit-il en 494.
La doctrine de Gélase (l’augustinisme politique) servira de référence à l’Eglise pendant près de 8 siècles, sans toujours réussir à convaincre le pouvoir temporel : jusqu’au 12e siècle, l’histoire du Moyen-âge européen est nourri des conflits entre les rois et les papes. C’est ce qu’on appellera la « querelle des investitures », la question posée étant : qui, du pape ou du roi, est plus légitime pour élire l’autre.
I : Le système féodal.
Cette querelle entre le religieux et le politique s’insère dans un cadre politique nouveau, celui du système féodal, qui va perdurer dans la plupart des pays européens jusqu’au XIVe siècle. La tentative de l’empire carolingien de restaurer l’ancien empire romain d’occident, est rapidement victime des guerres de succession et des invasions. L’empire se morcelle, le droit recule et les sociétés européennes reviennent à un modèle social archaïque, peu éloignées, sous certains aspects des systèmes de clans d’avant l’antiquité gréco-romaine. La féodalité repose à la fois sur la détention de la terre, le fief, et le contrat qui relève du droit privé. Le contrat vassalique est l’acte par lequel un vassal s’engage au service d’un autre homme, en échange de sa protection. A la différence du serf, qui est dépendant du seigneur auquel appartient le territoire où il est né, le vassal choisit sa dépendance. Cependant cette dernière est totale une fois le contrat scellé par la cérémonie de l’hommage : « Sire, je deviens votre homme » déclare le vassal. Il promet de se battre pour son suzerain, de le soutenir financièrement et de le conseiller en échange de la protection et de la générosité de son seigneur qui lui octroie un fief.
Le système féodal ne supprime pas la fonction royale, mais elle l’affaiblit considérablement, puisque le roi n’est plus que le suzerain de ses vassaux et n’a plus de pouvoir direct de ses sujets (en France on le surnomme « le premier entre les égaux »). A partir du Xe siècle, le titre de roi, même s’il reste sacré et donc d’essence religieuse, ne confère plus une réelle prééminence sur les autres seigneurs et, en pratique, les rois sont incapables d’exercer une tutelle directe sur les puissants duchés, comtés et baronnies qui composent leurs royaumes.
Le contrat vassalique se fonde sur un serment oral et gestuel, ce n’est qu’au XIIe siècle qu’on commence à voir apparaître une codification écrite (le droit coutumier). Et c’est à partir de cette époque que les rois vont commencer à concentrer les pouvoirs.
II : La fonction royale.
C’est à partir du XIIIe siècle que la royauté féodale va entamer son long processus de transformation en monarchie absolue. A l’ouest de l’Europe, les rois commencent à concentrer les territoires et les pouvoirs. La couronne devient progressivement une institution politique à part entière, encadrée par des règles et prolongée par un appareil administratif organisé. On suppose notamment que c’est du fait des rivalités entre vassaux que les rois ont peu à peu acquis la prééminence du fait qu’ils étaient souvent chargés de régler ces conflits (Cf les législations de St Louis qui voulaient que tous les vassaux se coalisent sous la bannière du roi contre un vassal qui en attaquait un autre). Cette évolution est visible surtout en Espagne, en France et en Angleterre entre le XIII et le XVe siècle. Mais les divisions internes entre seigneurs n’expliquent pas totalement le phénomène, il faut y ajouter les guerres externes (entre la France et l’Angleterre, la reconquista espagnole contre les musulmans et les croisades) qui sont de puissants facteurs de cohésion autour de la figure du monarque qui s’en trouve légitimée.
Cependant, au XIVe siècle, la monarchie n’est déjà plus associée à la personne du roi ; elle est désormais considérée comme une institution en tant que telle. Malgré le culte de la personnalité qu’essaient d’imposer les monarques, une distinction se dessine nettement entre la fonction royale, éternelle, et la personne royale, charnelle et mortelle. Contrairement au système féodal, qui s’appuyait sur le code de l’honneur et de la coutume, les règles de la monarchie sont strictement codifiées et l’appareil d’Etat bureaucratisé. En Angleterre par exemple, la Magna Carta (la Grande Charte) de 1215marque clairement les limites du pouvoir royal. Ce texte limite l'arbitraire royal et établit en droit l'habeas corpus qui empêche, entre autres, l'emprisonnement arbitraire. Il garantit les droits féodaux, les libertés des villes contre l’arbitraire royal et institue le contrôle de l’impôt par le Grand Conseil du Royaume (la future chambre des lords). Enfin, le système monarchique est consolidé par son caractère sacré, renforcé par tout un appareillage de symboles et de rituels.
Autre aspect nouveau, l’émergence d’un sentiment national des deux côtés de la Manche, lors de la guerre de cent ans (1337-1453), qui oppose la France à l’Angleterre.
L’Etat monarchique sera théorisé pour la première fois par Jean Bodin au XVIe siècle qui analysera pour la première fois le principe fondamental de souveraineté comme principe de l’autorité politique suprême qu’il croit devoir résider entre les mains de la couronne. Il est le premier théoricien de la monarchie absolue.
III : Puissance absolue et perpétuelle.
Loin de se contenter de justifier le pouvoir royal par des arguments religieux, dans un contexte politique fragilisé par les guerres de religions entre catholiques et protestants, Jean Bodin (1530-1596) tente de poser définitivement les principes universels du pouvoir politique, CAD l’essence même du pouvoir. Pour lui, la clé de voute n’est autre que le concept de souveraineté : « La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une république » (NB : par république, Bodin entend état moderne CAD monarchique). La souveraineté est absolue, CAD indivisible. Elle ne se partage plus comme c’était le cas dans le système féodal. Bodin la considère comme n’étant limitée ni en puissance ni à un certain temps ; et elle consiste à donner la loi aux sujets sans leur consentement. (Inspiration platonicienne ?).
A travers cette thèse se dessine incontestablement en filigrane la définition de l’Etat moderne : continuité, impersonnalité et domination politique. Mais s’il semble défendre l’idée d’une monarchie absolue, Bodin donne aussi des arguments pour limiter le pouvoir du roi. Il fait bien la distinction entre le roi et le tyran, l’un gouvernant avec justice dans le cadre d’un Etat, l’autre exerçant le pouvoir selon ses propres désirs qui vont, en général, contre les intérêts de ses sujets. Son œuvre donnera pourtant à l’idée même de pouvoir absolu les bases théoriques nécessaires à son développement.
En France, ce concept s’impose progressivement, suite à une longue période d’instabilité politique. Lorsqu’Henri IV monte sur le trône, il rétablit la paix entre catholiques et protestants en signant l’édit de Nantes (1598). Absolutisme rime alors avec paix civile. Entre 1648 et 1653, le parlement de Paris, formé pour exercer la justice et les formalités administratives du royaume, tente de combattre l’absolutisme royal : c’est la Fronde, révolte de nobles contre l’autorité royale. Cette révolte se soldera par la défaite de la noblesse, il ne restera plus dès lors en France qu’un peuple et un roi : Louis XIV (1643-1715).
En 1666, il déclare au parlement de Paris : « C’est en ma personne seule que réside l’autorité souveraine, dont le caractère propre est l’esprit de conseil, de justice et de raison. C’est à moi seul qu’appartient le pouvoir législatif sans dépendance et sans partage. L’ordre public tout entier émane de moi. ». L’Etat, c’est lui.
Un siècle plus tard, la révolution de 1789 ne sera pas réellement un refus radical de la monarchie absolue et de ses travers, en effet, avec Louis XV et Louis XVI, l’absolutisme va s’assouplir et tenter de créer des contre-pouvoirs, tentatives qui seront cependant empêchées par le parlement de Paris et par la noblesse. C’est contre cette mauvaise volonté de la noblesse que se déchainera la révolution. Louis XVI n’en sera pas moins guillotiné le 21 janvier 1793. La monarchie absolue était morte.
Antiquité romaine
II : Rome éternelle.
Au cours de son histoire, Rome a connu plusieurs types de régimes : la monarchie (de -753 à – 509), la république (-509 à -27) et l’empire (-27 à 480 environ ; il est difficile de dater la « chute » de l’empire romain en raison des diverses invasions et reconquêtes qu’il a connu, en outre, l’empire romain d’orient ne s’effondre qu’en 1453 avec la prise de Constantinople par les Ottomans).
L’histoire de la monarchie romaine est assez légendaire et est marquée par les figures de Romulus (fondateur de la cité), Numa (le roi sage par excellence) et Tarquin le Superbe (tyran renversé par la république).
La République romaine apparaît en -509, à peu près une quinzaine d’années avant la démocratie athénienne, au cours d’une lutte révolutionnaire contre Tarquin. La société romaine va se décomposer en deux groupes : les patriciens (descendants des familles nobles romaines dont les membres vont composer le sénat) et les plébéiens (« le peuple » qui sera en lutte constante avec les patriciens pendant un siècle). C’est de la lutte entre patriciens et plébéiens qu’émergea la mise en place d’une constitution écrite (elle aussi affichée en place publique, sur le forum), comme chez les grecs, les lois romaines sont empreintes d’un caractère sacré et bon nombre d’entre elles sont des lois religieuses (rites funéraires, mariages, etc. Dans cette constitution (qui évoluera tout au long de l’histoire romaine) le statut le plus durable est celui de pater familias, le père de famille ayant droit de vie et de mort sur sa femme et ses enfants, patriarche qui a le devoir de faire régner la justice au sein de la famille via un tribunal familial. Dès l’origine, le droit romain est égalitaire, il interdit toute forme de privilège et permet à tout citoyen de faire appel d’un jugement qu’il considère comme injuste, à l’exception des périodes de guerre pendant lesquelles les magistrats disposent de l’imperium, droit absolu de vie et de mort. Il y a en réalité deux législations : l’une pour le temps de paix et une autre pour les temps de guerre.
L’armée républicaine romaine est une armée qui n’inclut que des propriétaires, les romains considérant que les soldats sont plus motivés à défendre leurs biens. Ce sont ces soldats, réunis en légions qui ont su conquérir toute l’Italie ainsi qu’une partie du pourtour méditerranéen au cours des guerres puniques contre Carthage. C’est l’armée citoyenne avec le sénat qui désigne l’imperator qui n’est à l’époque que le chef suprême de l’armée et en aucun cas un dirigeant politique. L’imperator a en outre des fonctions religieuses, la consultation des auspices. Enfin, sous la république l’imperium est souvent partagé ou alterné entre deux consuls, ce qui permet de limiter le risque de tyrannie ou de retour à la monarchie.
Au niveau politique, le pouvoir se partage entre le Sénat (composé des 100 pater familias les plus riches et présidé par un consul) et la Plèbe (représentée par le tribun de la plèbe). En pratique, c’est le Sénat qui domine toute la vie politique romaine, le tribun de la plèbe n’ayant qu’un pouvoir d’opposition. Le sénat désigne les magistrats qui dirigent les provinces, il décide de la guerre et de la paix, il élabore les lois et dispose souverainement des finances de l’Etat.
Tout ce système républicain commencera à changer à partir du règne de Jules César qui sera assassiné à cause de ses velléités monarchiques, laissant la place à un pouvoir tripartite (le triumvirat). C’est son petit neveu et fils adoptif Octave qui, après une guerre civile contre les deux autres triumvirs, obtiendra les pleins pouvoirs des mains mêmes du sénat. La république romaine va se transformer alors en empire.
L’empire ne va pas plus supprimer le Sénat que les magistrats de la république, il va simplement modifier leurs statuts. Octave, devenu Auguste en accédant au pouvoir, va mettre en place un système dans lequel aura le droit de s’attribuer toutes les fonctions républicaines de façon temporaire ; il pourra ainsi être alternativement consul de Rome, gouverneur de province, imperator (CAD chef des armées ou d’une armée) et Tribun de la plèbe (ce qui lui donne un droit de véto vis-à-vis du Sénat). Ainsi armé, il tient en main tous les moyens d’action que possédait la Rome républicaine. En outre il va appliquer la notion de « lèse majesté », traditionnellement réservée au peuple romain dans son entier, à sa propre personne en tant que premier des citoyens. Ainsi, les anciennes institutions sont conservées mais elles sont toutes potentiellement entre les mains de l’empereur.
A cela va s’ajouter la création d’une administration impériale. Auguste en effet, n’est pas qu’un homme politique, c’est aussi un homme immensément riche (héritier de Jules César) et un propriétaire foncier. L’Egypte par exemple, n’est pas une province romaine, mais la propriété privée d’Auguste et de ses descendants, c’est un territoire immense qui suppose une administration de type privée. En parallèle du pouvoir politique se constitue donc un appareil administratif de type bureaucratique qui est au service strict de l’empereur. De ce fait, on peut dire que les empereurs vont peu à peu avoir tendance à considérer l’Empire comme leur propriété car cette administration privée au départ va s’étendre à tout l’Empire.
Enfin, et au-delà de la dimension politique et économique, l’empereur va peu à peu se revêtir d’un caractère sacré avec la mise en place du culte impérial. L'empereur Auguste met en place le culte impérial. Il fait diviniser César et ainsi, en tant que son héritier, il s'élève ainsi au-dessus de l'humanité. Il se dit fils d'Apollon. Il associe aussi toute la communauté au culte du génie familiale devenant ainsi le père de tous, d'où son titre de père de la patrie. Auguste refuse d'être divinisé de son vivant. Il laisse cependant se construire des temples qui lui sont consacrés surtout dans l'Orient habitué à considérer ses souverains comme des dieux vivants, à condition que son nom soit associé à celui de Rome divinisée. Le mouvement se poursuit après sa mort. Le culte impérial est aussi une manière d'habituer les habitants de l'Empire, si dissemblables par la culture et les croyances à respecter le pouvoir de Rome à travers un empereur divinisé. Dans tout l'Empire, on restaure ou on construit des temples consacrés au culte impérial. Des cérémonies sont organisées en l'honneur de l'empereur. C'est l'occasion pour la communauté de se retrouver dans des processions devant de sacrifices, des banquets et toutes sortes de spectacles.
Au cours de son histoire, Rome a connu plusieurs types de régimes : la monarchie (de -753 à – 509), la république (-509 à -27) et l’empire (-27 à 480 environ ; il est difficile de dater la « chute » de l’empire romain en raison des diverses invasions et reconquêtes qu’il a connu, en outre, l’empire romain d’orient ne s’effondre qu’en 1453 avec la prise de Constantinople par les Ottomans).
L’histoire de la monarchie romaine est assez légendaire et est marquée par les figures de Romulus (fondateur de la cité), Numa (le roi sage par excellence) et Tarquin le Superbe (tyran renversé par la république).
La République romaine apparaît en -509, à peu près une quinzaine d’années avant la démocratie athénienne, au cours d’une lutte révolutionnaire contre Tarquin. La société romaine va se décomposer en deux groupes : les patriciens (descendants des familles nobles romaines dont les membres vont composer le sénat) et les plébéiens (« le peuple » qui sera en lutte constante avec les patriciens pendant un siècle). C’est de la lutte entre patriciens et plébéiens qu’émergea la mise en place d’une constitution écrite (elle aussi affichée en place publique, sur le forum), comme chez les grecs, les lois romaines sont empreintes d’un caractère sacré et bon nombre d’entre elles sont des lois religieuses (rites funéraires, mariages, etc. Dans cette constitution (qui évoluera tout au long de l’histoire romaine) le statut le plus durable est celui de pater familias, le père de famille ayant droit de vie et de mort sur sa femme et ses enfants, patriarche qui a le devoir de faire régner la justice au sein de la famille via un tribunal familial. Dès l’origine, le droit romain est égalitaire, il interdit toute forme de privilège et permet à tout citoyen de faire appel d’un jugement qu’il considère comme injuste, à l’exception des périodes de guerre pendant lesquelles les magistrats disposent de l’imperium, droit absolu de vie et de mort. Il y a en réalité deux législations : l’une pour le temps de paix et une autre pour les temps de guerre.
L’armée républicaine romaine est une armée qui n’inclut que des propriétaires, les romains considérant que les soldats sont plus motivés à défendre leurs biens. Ce sont ces soldats, réunis en légions qui ont su conquérir toute l’Italie ainsi qu’une partie du pourtour méditerranéen au cours des guerres puniques contre Carthage. C’est l’armée citoyenne avec le sénat qui désigne l’imperator qui n’est à l’époque que le chef suprême de l’armée et en aucun cas un dirigeant politique. L’imperator a en outre des fonctions religieuses, la consultation des auspices. Enfin, sous la république l’imperium est souvent partagé ou alterné entre deux consuls, ce qui permet de limiter le risque de tyrannie ou de retour à la monarchie.
Au niveau politique, le pouvoir se partage entre le Sénat (composé des 100 pater familias les plus riches et présidé par un consul) et la Plèbe (représentée par le tribun de la plèbe). En pratique, c’est le Sénat qui domine toute la vie politique romaine, le tribun de la plèbe n’ayant qu’un pouvoir d’opposition. Le sénat désigne les magistrats qui dirigent les provinces, il décide de la guerre et de la paix, il élabore les lois et dispose souverainement des finances de l’Etat.
Tout ce système républicain commencera à changer à partir du règne de Jules César qui sera assassiné à cause de ses velléités monarchiques, laissant la place à un pouvoir tripartite (le triumvirat). C’est son petit neveu et fils adoptif Octave qui, après une guerre civile contre les deux autres triumvirs, obtiendra les pleins pouvoirs des mains mêmes du sénat. La république romaine va se transformer alors en empire.
L’empire ne va pas plus supprimer le Sénat que les magistrats de la république, il va simplement modifier leurs statuts. Octave, devenu Auguste en accédant au pouvoir, va mettre en place un système dans lequel aura le droit de s’attribuer toutes les fonctions républicaines de façon temporaire ; il pourra ainsi être alternativement consul de Rome, gouverneur de province, imperator (CAD chef des armées ou d’une armée) et Tribun de la plèbe (ce qui lui donne un droit de véto vis-à-vis du Sénat). Ainsi armé, il tient en main tous les moyens d’action que possédait la Rome républicaine. En outre il va appliquer la notion de « lèse majesté », traditionnellement réservée au peuple romain dans son entier, à sa propre personne en tant que premier des citoyens. Ainsi, les anciennes institutions sont conservées mais elles sont toutes potentiellement entre les mains de l’empereur.
A cela va s’ajouter la création d’une administration impériale. Auguste en effet, n’est pas qu’un homme politique, c’est aussi un homme immensément riche (héritier de Jules César) et un propriétaire foncier. L’Egypte par exemple, n’est pas une province romaine, mais la propriété privée d’Auguste et de ses descendants, c’est un territoire immense qui suppose une administration de type privée. En parallèle du pouvoir politique se constitue donc un appareil administratif de type bureaucratique qui est au service strict de l’empereur. De ce fait, on peut dire que les empereurs vont peu à peu avoir tendance à considérer l’Empire comme leur propriété car cette administration privée au départ va s’étendre à tout l’Empire.
Enfin, et au-delà de la dimension politique et économique, l’empereur va peu à peu se revêtir d’un caractère sacré avec la mise en place du culte impérial. L'empereur Auguste met en place le culte impérial. Il fait diviniser César et ainsi, en tant que son héritier, il s'élève ainsi au-dessus de l'humanité. Il se dit fils d'Apollon. Il associe aussi toute la communauté au culte du génie familiale devenant ainsi le père de tous, d'où son titre de père de la patrie. Auguste refuse d'être divinisé de son vivant. Il laisse cependant se construire des temples qui lui sont consacrés surtout dans l'Orient habitué à considérer ses souverains comme des dieux vivants, à condition que son nom soit associé à celui de Rome divinisée. Le mouvement se poursuit après sa mort. Le culte impérial est aussi une manière d'habituer les habitants de l'Empire, si dissemblables par la culture et les croyances à respecter le pouvoir de Rome à travers un empereur divinisé. Dans tout l'Empire, on restaure ou on construit des temples consacrés au culte impérial. Des cérémonies sont organisées en l'honneur de l'empereur. C'est l'occasion pour la communauté de se retrouver dans des processions devant de sacrifices, des banquets et toutes sortes de spectacles.
Antiquité grecque
Chapitre 1 : L’antiquité.
L’histoire de la politique occidentale débute avec deux cités exemplaires qui furent fondées à peu près en même temps : Rome et Athènes. Deux cités qui donnèrent au monde deux concepts politiques fondamentaux : la République à Rome et la Démocratie à Athènes. Il est à noter que républicains et démocrates sont encore aujourd’hui les deux grands partis américains, c’est dire si ces deux concepts ont su traverser l’histoire. Quelle différence y-a-t-il entre république et démocratie ? Pour résumer, nous dirons que la République est le règne du droit là où la démocratie est le règne du peuple.
I : La cité grecque.
Dans la Grèce antique, si un homme fait la guerre, c’est à l’appel de la cité ; s’il prie les dieux et participe aux cérémonies religieuses, c’est dans le cadre de la cité ; s’il se sent civilisé, c’est du fait qu’il appartient à la cité. La notion de cité, création vivace et originale du peuple grec, a dominé toute son histoire et toute sa pensée.
Chez Homère, la notion de cité a 3 sens différents : elle est à la fois l’agglomération urbaine, l’unité politique qui constitue un Etat et l’ensemble des citoyens considérés comme un corps politique.
La cité a généralement pour origine le regroupement de plusieurs villages et/ou tribus autour d’un centre administratif voué à s’étendre. Elle est donc le résultat de l’alliance entre des unités plus petites, alliance dont on raconte l’histoire sous forme de mythes (c’est par exemple Thésée qui aurait regroupé les peuples de l’Attique pour fonder Athènes). Cette dimension mythique de la cité témoigne de sa dimension quasi religieuse, en effet, les lois de la cité sont considérées comme sacrées et célébrées comme telles. Athènes tient son nom de sa divinité tutélaire (Athéna) et il y a un lien fort entre l’identité politique des citoyens et la dimension mythologique et religieuse de la cité.
Bien que la notion de cité se rapporte à celle de ville, la cité grecque est avant tout un territoire de taille assez restreinte (la taille d’un département français pour les plus grandes), territoire dans lequel sont produites la plupart des denrées de subsistance ainsi que tout ce qui est nécessaire à la construction de bâtiments et de navires (le peuple grec étant pour une bonne part un peuple de marins). Au centre de ce territoire se trouve généralement une cité (ce qu’on appellerait aujourd’hui une capitale) qui regroupe l’essentiel de la vie politique, religieuse et commerciale. Le centre de la cité étant l’agora, à la fois place du marché et lieu où se déroulent les débats entre citoyens autour des divers problèmes qui agitent la vie politique.
La population de la cité se décompose essentiellement en trois groupes : Les citoyens et leurs familles, les esclaves et les métèques. Les citoyens sont en pratique les seuls à jouir des droits et avantages que procure la cité, ils sont les seuls que la loi protège en cas de problème (en -432, il y a à Athènes environ 40 000 citoyens, 150 000 avec leurs familles). Les esclaves sont des résidents privés de droits, propriétés des citoyens, ils sont considérés comme des instruments doués de parole déchus de leur humanité. Ce sont les esclaves qui s’acquittent de la quasi-totalité des tâches manuelles, ces dernières étant regardées avec mépris par les citoyens ; mais il peut aussi leur arriver d’exécuter un travail intellectuel (l’éducation des enfants est souvent prise en charge par des esclaves et plusieurs grands philosophes furent esclaves à certaines périodes de leur vie comme Platon ou Diogène par ex). En -432 ils sont au nombre de 110 000 à Athènes. Enfin les métèques sont des étrangers résidant dans une cité grecque, ils n’ont pas plus de droits que les esclaves mais ils ne sont pas la propriété de quelqu’un et peuvent circuler comme bon leur semble. Aristote, par ex, était un métèque, citoyen macédonien, il résidait à Athènes. Les naturalisations n’existent quasiment pas à cette époque (il n’y a que 4 cas recensés dans toute l’histoire grecque antique), il est donc généralement impossible pour les métèques d’acquérir le « droit de cité » CAD la citoyenneté, ce qui les met dans une position potentiellement dangereuse en cas de crise. Leur population est estimée à 10 ou 15 000 (40 000 avec les familles) à cette même époque.
Si la cité peut se comprendre à la fois comme territoire et comme peuple, c’est cependant ce deuxième aspect qui est prépondérant pour les grecs, la cité subsiste tant qu’il y a des citoyens pour la représenter et qui sont prêts à s’exiler en cas de perte du territoire. De ce fait, c’est le droit du sang qui prédomine et non le droit du sol et les citoyens se définissent souvent par leur appartenance à l’une des tribus ou familles qui sont reconnues comme parties prenantes d’une même cité.
Au niveau des institutions, l’exercice du pouvoir est partagé entre l’assemblée des citoyens, le ou les conseils et les magistrats. L’assemblée (ecclesia) regroupe tous les citoyens jouissant de leurs droits politiques. Etant donné que cette assemblée (40 000 personnes à Athènes) ne se réunit que rarement, les affaires courantes sont suivies par le conseil (boulé). Les magistrats quant à eux assurent les services publics et mettent en application les décisions de l’assemblée ou du conseil, ils sont répartis en fonction des tribus. Les membres du conseil sont désignés différemment selon les types de régimes ; dans un régime aristocratique, c’est l’appartenance à une famille noble qui rend membre du conseil ; dans un régime oligarchique, c’est la richesse qui est déterminante ; dans une démocratie, les représentants du conseil sont élus à main levée par l’assemblée. Il est bien évident que cette dernière n’est jamais réunie au complet et que seuls ceux qui s’y rendent y votent régulièrement. A Athènes, l’assemblée se réunit environ trois fois par mois et la procédure qui requiert le plus de participants (6000 pour l’ostracisme) n’a lieu qu’une fois par an s’il y a suffisamment de participants.
Oligarchie, aristocratie et démocratie sont des types de régimes politiques dans lesquels le respect des lois est fondamental, ces dernières étant considérées comme sacrées. Le seul type de régime qui fait exception à cette règle est la tyrannie dans laquelle le monarque règne selon sa volonté et non selon des lois. Les lois sont si importantes aux yeux des grecs qu’elles sont gravées sur des monuments de pierre visibles pour tous.
Au cours de leur histoire, les grecs n’ont jamais su produire de confédérations viables regroupant plusieurs cités. Ils ne le firent que lors des guerres qui les confrontèrent aux empires perses et carthaginois, conscients qu’ils étaient, malgré leurs différences et leurs conflits, de l’unité profonde de leur civilisation à travers leur langue et leur religion. L’unité du monde grec ne se fera que sous la domination du tyran Philippe de Macédoine et de son fils Alexandre, inaugurant la période « hellénistique ».
L’histoire de la politique occidentale débute avec deux cités exemplaires qui furent fondées à peu près en même temps : Rome et Athènes. Deux cités qui donnèrent au monde deux concepts politiques fondamentaux : la République à Rome et la Démocratie à Athènes. Il est à noter que républicains et démocrates sont encore aujourd’hui les deux grands partis américains, c’est dire si ces deux concepts ont su traverser l’histoire. Quelle différence y-a-t-il entre république et démocratie ? Pour résumer, nous dirons que la République est le règne du droit là où la démocratie est le règne du peuple.
I : La cité grecque.
Dans la Grèce antique, si un homme fait la guerre, c’est à l’appel de la cité ; s’il prie les dieux et participe aux cérémonies religieuses, c’est dans le cadre de la cité ; s’il se sent civilisé, c’est du fait qu’il appartient à la cité. La notion de cité, création vivace et originale du peuple grec, a dominé toute son histoire et toute sa pensée.
Chez Homère, la notion de cité a 3 sens différents : elle est à la fois l’agglomération urbaine, l’unité politique qui constitue un Etat et l’ensemble des citoyens considérés comme un corps politique.
La cité a généralement pour origine le regroupement de plusieurs villages et/ou tribus autour d’un centre administratif voué à s’étendre. Elle est donc le résultat de l’alliance entre des unités plus petites, alliance dont on raconte l’histoire sous forme de mythes (c’est par exemple Thésée qui aurait regroupé les peuples de l’Attique pour fonder Athènes). Cette dimension mythique de la cité témoigne de sa dimension quasi religieuse, en effet, les lois de la cité sont considérées comme sacrées et célébrées comme telles. Athènes tient son nom de sa divinité tutélaire (Athéna) et il y a un lien fort entre l’identité politique des citoyens et la dimension mythologique et religieuse de la cité.
Bien que la notion de cité se rapporte à celle de ville, la cité grecque est avant tout un territoire de taille assez restreinte (la taille d’un département français pour les plus grandes), territoire dans lequel sont produites la plupart des denrées de subsistance ainsi que tout ce qui est nécessaire à la construction de bâtiments et de navires (le peuple grec étant pour une bonne part un peuple de marins). Au centre de ce territoire se trouve généralement une cité (ce qu’on appellerait aujourd’hui une capitale) qui regroupe l’essentiel de la vie politique, religieuse et commerciale. Le centre de la cité étant l’agora, à la fois place du marché et lieu où se déroulent les débats entre citoyens autour des divers problèmes qui agitent la vie politique.
La population de la cité se décompose essentiellement en trois groupes : Les citoyens et leurs familles, les esclaves et les métèques. Les citoyens sont en pratique les seuls à jouir des droits et avantages que procure la cité, ils sont les seuls que la loi protège en cas de problème (en -432, il y a à Athènes environ 40 000 citoyens, 150 000 avec leurs familles). Les esclaves sont des résidents privés de droits, propriétés des citoyens, ils sont considérés comme des instruments doués de parole déchus de leur humanité. Ce sont les esclaves qui s’acquittent de la quasi-totalité des tâches manuelles, ces dernières étant regardées avec mépris par les citoyens ; mais il peut aussi leur arriver d’exécuter un travail intellectuel (l’éducation des enfants est souvent prise en charge par des esclaves et plusieurs grands philosophes furent esclaves à certaines périodes de leur vie comme Platon ou Diogène par ex). En -432 ils sont au nombre de 110 000 à Athènes. Enfin les métèques sont des étrangers résidant dans une cité grecque, ils n’ont pas plus de droits que les esclaves mais ils ne sont pas la propriété de quelqu’un et peuvent circuler comme bon leur semble. Aristote, par ex, était un métèque, citoyen macédonien, il résidait à Athènes. Les naturalisations n’existent quasiment pas à cette époque (il n’y a que 4 cas recensés dans toute l’histoire grecque antique), il est donc généralement impossible pour les métèques d’acquérir le « droit de cité » CAD la citoyenneté, ce qui les met dans une position potentiellement dangereuse en cas de crise. Leur population est estimée à 10 ou 15 000 (40 000 avec les familles) à cette même époque.
Si la cité peut se comprendre à la fois comme territoire et comme peuple, c’est cependant ce deuxième aspect qui est prépondérant pour les grecs, la cité subsiste tant qu’il y a des citoyens pour la représenter et qui sont prêts à s’exiler en cas de perte du territoire. De ce fait, c’est le droit du sang qui prédomine et non le droit du sol et les citoyens se définissent souvent par leur appartenance à l’une des tribus ou familles qui sont reconnues comme parties prenantes d’une même cité.
Au niveau des institutions, l’exercice du pouvoir est partagé entre l’assemblée des citoyens, le ou les conseils et les magistrats. L’assemblée (ecclesia) regroupe tous les citoyens jouissant de leurs droits politiques. Etant donné que cette assemblée (40 000 personnes à Athènes) ne se réunit que rarement, les affaires courantes sont suivies par le conseil (boulé). Les magistrats quant à eux assurent les services publics et mettent en application les décisions de l’assemblée ou du conseil, ils sont répartis en fonction des tribus. Les membres du conseil sont désignés différemment selon les types de régimes ; dans un régime aristocratique, c’est l’appartenance à une famille noble qui rend membre du conseil ; dans un régime oligarchique, c’est la richesse qui est déterminante ; dans une démocratie, les représentants du conseil sont élus à main levée par l’assemblée. Il est bien évident que cette dernière n’est jamais réunie au complet et que seuls ceux qui s’y rendent y votent régulièrement. A Athènes, l’assemblée se réunit environ trois fois par mois et la procédure qui requiert le plus de participants (6000 pour l’ostracisme) n’a lieu qu’une fois par an s’il y a suffisamment de participants.
Oligarchie, aristocratie et démocratie sont des types de régimes politiques dans lesquels le respect des lois est fondamental, ces dernières étant considérées comme sacrées. Le seul type de régime qui fait exception à cette règle est la tyrannie dans laquelle le monarque règne selon sa volonté et non selon des lois. Les lois sont si importantes aux yeux des grecs qu’elles sont gravées sur des monuments de pierre visibles pour tous.
Au cours de leur histoire, les grecs n’ont jamais su produire de confédérations viables regroupant plusieurs cités. Ils ne le firent que lors des guerres qui les confrontèrent aux empires perses et carthaginois, conscients qu’ils étaient, malgré leurs différences et leurs conflits, de l’unité profonde de leur civilisation à travers leur langue et leur religion. L’unité du monde grec ne se fera que sous la domination du tyran Philippe de Macédoine et de son fils Alexandre, inaugurant la période « hellénistique ».
Politique et histoire (BTS MUC 1)
Politique et Histoire.
Introduction.
La vie en société impose des règles communes et la question se pose toujours de savoir si ces règles sont nécessaires et justes ou si elles sont inacceptables. Une société ne se limite pas à être un agrégat d’individus ; le mot « société » ne prend tout son sens qu’à partir du moment où un tel regroupement n’est pas seulement dû à l’instinct (comme chez les animaux), au hasard, à l’assujettissement par la force, à une quelconque nécessité, mais où l’on peut parler à son propos d’association. Une société n’existe en effet qu’à partir du moment où un groupe se constitue en vue d’un intérêt commun et se soumet dans ce but à un certain nombre de conventions partagées. C’est pour cela qu’on a souvent employé la métaphore du contrat pour rendre compte de l’origine de la logique sociale. Cette métaphore est cependant limitée en ceci que le contrat implique un acte volontaire de la part des individus, ce qui n’est pas le cas dans la société réelle que bien souvent on ne choisit pas mais dans laquelle on naît. En outre, on ne choisit pas de vivre en société en général, on y vit sans pouvoir s’y soustraire (à moins, comme le disait Aristote, d’être un homme divin ou un dégénéré).
La société suppose fondamentalement la justice en tant que marque de la réciprocité entre les individus. L’idée de justice renvoie à des normes fondamentales sensées régir les relations entre les individus ou entre les groupes, voire entre les Etats dans le cadre du droit international. Ainsi, la justice ne définit pas seulement le rapport de réciprocité entre les individus, elle s’érige en un ensemble de règles que l’on appelle le droit, ensemble des lois. Lois qui cependant ne sont pas toujours justes et peuvent entrer en contradiction avec l’idéal de justice. En outre, la justice est une institution chargée d’assurer le respect des lois au sein de la société. Institution humaine dans laquelle des juges décident des peines à appliquer.
Enfin, la société suppose des institutions politiques constitutives de ce qu’on appelle l’Etat, dont la fonction est de fixer les règles générales susceptibles de gérer les intérêts conflictuels qui traversent la société civile, de mettre en œuvre les moyens de respecter ces règles, de définir les grandes orientations générales de la vie en commun.
La politique organise et structure la capacité des hommes à vivre en société, mais quelles sont ses origines historiques ? Et quel fut son développement jusqu’à nos jours ? Tel est l’objet de l’histoire politique, inséparable de la connaissance politique (la fameuse « science politique »).
Le mot « politique » se construit sur le terme grec de « polis » que l’on traduit généralement par « cité » et qui désigne à l’origine les nombreuses cités-états de la Grèce antique ainsi que leurs diverses zones d’influence (territoire, espace maritime, colonies). La cité est l’unité politique essentielle de la Grèce classique et son modèle le plus achevé est la démocratie athénienne. La politique est donc originairement l’activité propre à la cité, l’activité et la connaissance qui se préoccupe de l’Etat, CAD de l’organisation des individus au sein d’une même société.
Au cours de ce chapitre, nous tenterons de retracer l’histoire des différents modèles d’organisation que les hommes ont pu produire afin de vivre ensemble, pour le meilleur et pour le pire.
Introduction.
La vie en société impose des règles communes et la question se pose toujours de savoir si ces règles sont nécessaires et justes ou si elles sont inacceptables. Une société ne se limite pas à être un agrégat d’individus ; le mot « société » ne prend tout son sens qu’à partir du moment où un tel regroupement n’est pas seulement dû à l’instinct (comme chez les animaux), au hasard, à l’assujettissement par la force, à une quelconque nécessité, mais où l’on peut parler à son propos d’association. Une société n’existe en effet qu’à partir du moment où un groupe se constitue en vue d’un intérêt commun et se soumet dans ce but à un certain nombre de conventions partagées. C’est pour cela qu’on a souvent employé la métaphore du contrat pour rendre compte de l’origine de la logique sociale. Cette métaphore est cependant limitée en ceci que le contrat implique un acte volontaire de la part des individus, ce qui n’est pas le cas dans la société réelle que bien souvent on ne choisit pas mais dans laquelle on naît. En outre, on ne choisit pas de vivre en société en général, on y vit sans pouvoir s’y soustraire (à moins, comme le disait Aristote, d’être un homme divin ou un dégénéré).
La société suppose fondamentalement la justice en tant que marque de la réciprocité entre les individus. L’idée de justice renvoie à des normes fondamentales sensées régir les relations entre les individus ou entre les groupes, voire entre les Etats dans le cadre du droit international. Ainsi, la justice ne définit pas seulement le rapport de réciprocité entre les individus, elle s’érige en un ensemble de règles que l’on appelle le droit, ensemble des lois. Lois qui cependant ne sont pas toujours justes et peuvent entrer en contradiction avec l’idéal de justice. En outre, la justice est une institution chargée d’assurer le respect des lois au sein de la société. Institution humaine dans laquelle des juges décident des peines à appliquer.
Enfin, la société suppose des institutions politiques constitutives de ce qu’on appelle l’Etat, dont la fonction est de fixer les règles générales susceptibles de gérer les intérêts conflictuels qui traversent la société civile, de mettre en œuvre les moyens de respecter ces règles, de définir les grandes orientations générales de la vie en commun.
La politique organise et structure la capacité des hommes à vivre en société, mais quelles sont ses origines historiques ? Et quel fut son développement jusqu’à nos jours ? Tel est l’objet de l’histoire politique, inséparable de la connaissance politique (la fameuse « science politique »).
Le mot « politique » se construit sur le terme grec de « polis » que l’on traduit généralement par « cité » et qui désigne à l’origine les nombreuses cités-états de la Grèce antique ainsi que leurs diverses zones d’influence (territoire, espace maritime, colonies). La cité est l’unité politique essentielle de la Grèce classique et son modèle le plus achevé est la démocratie athénienne. La politique est donc originairement l’activité propre à la cité, l’activité et la connaissance qui se préoccupe de l’Etat, CAD de l’organisation des individus au sein d’une même société.
Au cours de ce chapitre, nous tenterons de retracer l’histoire des différents modèles d’organisation que les hommes ont pu produire afin de vivre ensemble, pour le meilleur et pour le pire.
Inscription à :
Articles (Atom)
Membres
Ma tronche
Qui je suis? Dans quelle état j'erre? etc
- A.S.
- France
- DEA de Philo, longtemps intérressé par l'occultisme et les diverses religions, j'ai fini par revenir dans le giron du christianisme. Bien que non pratiquant, je me sens appartenir, par ma naissance et par ma formation, à la confession d'Augsbourg, CAD au protestantisme Luthérien. Ceci dit, et de ce fait, j'éprouve le plus vif intérêt pour les monothéismes en général. Je crois qu'avec la philosophie, peut s'entamer un dialogue, une communication saine que nous aurons à continuer sans relache pour affirmer notre désir de paix et de concorde sous l'égide du Seigneur.
Liens
- Christian Fauré; nombreux enregistrements de Bernard Stiegler; réflexions sur la technique
- Tous les textes antiques!!!
- Conférences de l'ENS
- Akadem - Campus numérique juif.
- Un peu de sciences alternatives- Le site de JPP
- Club Philo
- Eternel Présent
- Philosophie et spiritualité.
- La section philosophie de l'université de tous les savoirs
- Une foule de fichiers audio et vidéo de philo
- Baha'u'llah- Site bahai, merci Missel...
- Le Blog de Michelle d'Astier de la Vigerie- Blog évangéliste fondamentaliste. Ames sensible s'abstenir...
- Syti- Un site conspirationniste sérieux avec de nombreux liens.
- Final-Age- Site catholique du père Verlinde consacré à l'occultisme et autres "spiritualités".
- Paris4 philo. Vidéos de philosophes du XXè siecle.
- Religare. Les textes fondamentaux des grandes religions.