dimanche 15 février 2009

Féodalité et absolutisme

Ch.2 : De la féodalité à l’absolutisme.

L’empire romain d’occident disparaîtra en 476 et c’est le christianisme qui va prendre le pouvoir sur une Europe divisée et morcelée. C’est le christianisme qui le premier s’opposa au culte de l’Empereur et qui, en devenant religion d’Etat sous Constantin (IVe siècle) y mit définitivement fin. Et c’est notamment dans la doctrine de St Augustin et sa théorie des deux cités que l’Eglise trouvera les arguments lui permettant de se libérer du joug du pouvoir séculier : la cité de Dieu, l’Eglise, est autonome de la cité humaine, et même supérieure puisque promise à l’éternité, alors que la cité des hommes (et le déclin de l’Empire romain le prouve) est soumise aux épreuves du temps.
La doctrine augustinienne va alors largement se répandre et faire l’objet de nombreuses réappropriations : le pape Gélase Ier (492-496) l’interprète en faveur du pouvoir pontifical. « Il existe deux principes par la primatie desquels le monde est régi : l’autorité sacrée des pontifes et le pouvoir royal. En cela la charge des évêques est d’autant plus importante qu’ils auront à répondre au tribunal de Dieu, pour les rois eux-mêmes », écrit-il en 494.
La doctrine de Gélase (l’augustinisme politique) servira de référence à l’Eglise pendant près de 8 siècles, sans toujours réussir à convaincre le pouvoir temporel : jusqu’au 12e siècle, l’histoire du Moyen-âge européen est nourri des conflits entre les rois et les papes. C’est ce qu’on appellera la « querelle des investitures », la question posée étant : qui, du pape ou du roi, est plus légitime pour élire l’autre.

I : Le système féodal.

Cette querelle entre le religieux et le politique s’insère dans un cadre politique nouveau, celui du système féodal, qui va perdurer dans la plupart des pays européens jusqu’au XIVe siècle. La tentative de l’empire carolingien de restaurer l’ancien empire romain d’occident, est rapidement victime des guerres de succession et des invasions. L’empire se morcelle, le droit recule et les sociétés européennes reviennent à un modèle social archaïque, peu éloignées, sous certains aspects des systèmes de clans d’avant l’antiquité gréco-romaine. La féodalité repose à la fois sur la détention de la terre, le fief, et le contrat qui relève du droit privé. Le contrat vassalique est l’acte par lequel un vassal s’engage au service d’un autre homme, en échange de sa protection. A la différence du serf, qui est dépendant du seigneur auquel appartient le territoire où il est né, le vassal choisit sa dépendance. Cependant cette dernière est totale une fois le contrat scellé par la cérémonie de l’hommage : « Sire, je deviens votre homme » déclare le vassal. Il promet de se battre pour son suzerain, de le soutenir financièrement et de le conseiller en échange de la protection et de la générosité de son seigneur qui lui octroie un fief.
Le système féodal ne supprime pas la fonction royale, mais elle l’affaiblit considérablement, puisque le roi n’est plus que le suzerain de ses vassaux et n’a plus de pouvoir direct de ses sujets (en France on le surnomme « le premier entre les égaux »). A partir du Xe siècle, le titre de roi, même s’il reste sacré et donc d’essence religieuse, ne confère plus une réelle prééminence sur les autres seigneurs et, en pratique, les rois sont incapables d’exercer une tutelle directe sur les puissants duchés, comtés et baronnies qui composent leurs royaumes.
Le contrat vassalique se fonde sur un serment oral et gestuel, ce n’est qu’au XIIe siècle qu’on commence à voir apparaître une codification écrite (le droit coutumier). Et c’est à partir de cette époque que les rois vont commencer à concentrer les pouvoirs.


II : La fonction royale.

C’est à partir du XIIIe siècle que la royauté féodale va entamer son long processus de transformation en monarchie absolue. A l’ouest de l’Europe, les rois commencent à concentrer les territoires et les pouvoirs. La couronne devient progressivement une institution politique à part entière, encadrée par des règles et prolongée par un appareil administratif organisé. On suppose notamment que c’est du fait des rivalités entre vassaux que les rois ont peu à peu acquis la prééminence du fait qu’ils étaient souvent chargés de régler ces conflits (Cf les législations de St Louis qui voulaient que tous les vassaux se coalisent sous la bannière du roi contre un vassal qui en attaquait un autre). Cette évolution est visible surtout en Espagne, en France et en Angleterre entre le XIII et le XVe siècle. Mais les divisions internes entre seigneurs n’expliquent pas totalement le phénomène, il faut y ajouter les guerres externes (entre la France et l’Angleterre, la reconquista espagnole contre les musulmans et les croisades) qui sont de puissants facteurs de cohésion autour de la figure du monarque qui s’en trouve légitimée.
Cependant, au XIVe siècle, la monarchie n’est déjà plus associée à la personne du roi ; elle est désormais considérée comme une institution en tant que telle. Malgré le culte de la personnalité qu’essaient d’imposer les monarques, une distinction se dessine nettement entre la fonction royale, éternelle, et la personne royale, charnelle et mortelle. Contrairement au système féodal, qui s’appuyait sur le code de l’honneur et de la coutume, les règles de la monarchie sont strictement codifiées et l’appareil d’Etat bureaucratisé. En Angleterre par exemple, la Magna Carta (la Grande Charte) de 1215marque clairement les limites du pouvoir royal. Ce texte limite l'arbitraire royal et établit en droit l'habeas corpus qui empêche, entre autres, l'emprisonnement arbitraire. Il garantit les droits féodaux, les libertés des villes contre l’arbitraire royal et institue le contrôle de l’impôt par le Grand Conseil du Royaume (la future chambre des lords). Enfin, le système monarchique est consolidé par son caractère sacré, renforcé par tout un appareillage de symboles et de rituels.
Autre aspect nouveau, l’émergence d’un sentiment national des deux côtés de la Manche, lors de la guerre de cent ans (1337-1453), qui oppose la France à l’Angleterre.
L’Etat monarchique sera théorisé pour la première fois par Jean Bodin au XVIe siècle qui analysera pour la première fois le principe fondamental de souveraineté comme principe de l’autorité politique suprême qu’il croit devoir résider entre les mains de la couronne. Il est le premier théoricien de la monarchie absolue.

III : Puissance absolue et perpétuelle.

Loin de se contenter de justifier le pouvoir royal par des arguments religieux, dans un contexte politique fragilisé par les guerres de religions entre catholiques et protestants, Jean Bodin (1530-1596) tente de poser définitivement les principes universels du pouvoir politique, CAD l’essence même du pouvoir. Pour lui, la clé de voute n’est autre que le concept de souveraineté : « La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une république » (NB : par république, Bodin entend état moderne CAD monarchique). La souveraineté est absolue, CAD indivisible. Elle ne se partage plus comme c’était le cas dans le système féodal. Bodin la considère comme n’étant limitée ni en puissance ni à un certain temps ; et elle consiste à donner la loi aux sujets sans leur consentement. (Inspiration platonicienne ?).
A travers cette thèse se dessine incontestablement en filigrane la définition de l’Etat moderne : continuité, impersonnalité et domination politique. Mais s’il semble défendre l’idée d’une monarchie absolue, Bodin donne aussi des arguments pour limiter le pouvoir du roi. Il fait bien la distinction entre le roi et le tyran, l’un gouvernant avec justice dans le cadre d’un Etat, l’autre exerçant le pouvoir selon ses propres désirs qui vont, en général, contre les intérêts de ses sujets. Son œuvre donnera pourtant à l’idée même de pouvoir absolu les bases théoriques nécessaires à son développement.
En France, ce concept s’impose progressivement, suite à une longue période d’instabilité politique. Lorsqu’Henri IV monte sur le trône, il rétablit la paix entre catholiques et protestants en signant l’édit de Nantes (1598). Absolutisme rime alors avec paix civile. Entre 1648 et 1653, le parlement de Paris, formé pour exercer la justice et les formalités administratives du royaume, tente de combattre l’absolutisme royal : c’est la Fronde, révolte de nobles contre l’autorité royale. Cette révolte se soldera par la défaite de la noblesse, il ne restera plus dès lors en France qu’un peuple et un roi : Louis XIV (1643-1715).
En 1666, il déclare au parlement de Paris : « C’est en ma personne seule que réside l’autorité souveraine, dont le caractère propre est l’esprit de conseil, de justice et de raison. C’est à moi seul qu’appartient le pouvoir législatif sans dépendance et sans partage. L’ordre public tout entier émane de moi. ». L’Etat, c’est lui.
Un siècle plus tard, la révolution de 1789 ne sera pas réellement un refus radical de la monarchie absolue et de ses travers, en effet, avec Louis XV et Louis XVI, l’absolutisme va s’assouplir et tenter de créer des contre-pouvoirs, tentatives qui seront cependant empêchées par le parlement de Paris et par la noblesse. C’est contre cette mauvaise volonté de la noblesse que se déchainera la révolution. Louis XVI n’en sera pas moins guillotiné le 21 janvier 1793. La monarchie absolue était morte.

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Ma tronche

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DEA de Philo, longtemps intérressé par l'occultisme et les diverses religions, j'ai fini par revenir dans le giron du christianisme. Bien que non pratiquant, je me sens appartenir, par ma naissance et par ma formation, à la confession d'Augsbourg, CAD au protestantisme Luthérien. Ceci dit, et de ce fait, j'éprouve le plus vif intérêt pour les monothéismes en général. Je crois qu'avec la philosophie, peut s'entamer un dialogue, une communication saine que nous aurons à continuer sans relache pour affirmer notre désir de paix et de concorde sous l'égide du Seigneur.